Infanticide et rupture du contrat de travail

Posté le 2 décembre 2022
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(Christophe Delmarcelle dans l'Echo 30-11-2022) Infanticide et rupture du contrat de travail Fait divers tragique, le 17 novembre 2022, C., un homme de 44 ans habitant Oostkamp, assassinait ses deux petites filles de 5 et 8 ans quelques mois après...

(Christophe Delmarcelle dans l'Echo 30-11-2022)

Infanticide et rupture du contrat de travail

Fait divers tragique, le 17 novembre 2022, C., un homme de 44 ans habitant Oostkamp, assassinait ses deux petites filles de 5 et 8 ans quelques mois après s’être séparé de leur maman et alors qu’il en avait la garde. Interrogé, son employeur depuis de nombreuses années, l’entreprise métallurgique Sadef, le décrivait pourtant comme un employé consciencieux et calme qui n’avait jamais posé de problème.

Tout en souhaitant à la maman et la famille les plus sincères condoléances, ces terribles événements posent la question du sort d’un contrat de travail lorsqu’un employé commet un crime dans le cadre de sa vie privée.

Premier point important, l’article 8 5° de la loi du 3 juillet 1978 sur le contrat de travail prévoit que le contrat de travail est suspendu lorsque le travailleur est mis en détention préventive comme C. Et ce, avec suspension de salaire.

Second point, le contrat de travail ne prend pas automatiquement fin même si le travailleur est en aveu, arrêté et placé en détention préventive comme C. Certes, en cas de force majeure, c’à-d un événement imprévisible et indépendant tant de la volonté de l’employeur que du travailleur rendant impossible, temporairement ou définitivement, en partie ou totalement, l’exécution du contrat, les obligations de chacun sont suspendues. Comme le rappelle l’article 28. Ainsi, le travailleur n’a plus l’obligation de travailler et l’employeur n’a plus l’obligation de payer son salaire. Cependant, le contrat ne prend fin que lorsque l’impossibilité de reprendre le travail est définitive. Or, la détention préventive n’est que temporaire. Il n’y aura donc force majeure rompant le contrat de travail qu’au moment de la condamnation définitive du travailleur à une peine de prison. A ce moment, il suffira à l’employeur de « constater » la rupture du contrat par suite de force majeure.

Cependant, troisième point, l’employeur pourrait mettre fin au contrat de travail de l’employé pour faute grave sans préavis ni indemnité. Une faute grave est une faute dont la gravité est telle qu’elle rompt immédiatement toute confiance et rend impossible la poursuite du travail. Et la jurisprudence confirme que cette faute peut ressortir de faits de la vie privée tels que des vols, l’organisation de fraudes ou de trafics, la tentative d’assassinat du conjoint, des faits de mœurs, etc. L’employeur devant avoir une connaissance certaine des faits devra parfois attendre une condamnation définitive du travailleur avant de pouvoir agir. A moins que le travailleur ne soit en aveu comme dans le cas de C. Evidemment, l’employeur devra respecter les formalités strictes pour un motif grave et notamment le double délai de trois jours pour licencier et pour communiquer le motif grave.

Justement, le motif grave sera a priori moins conseillé que la force majeure car l’employé pourrait le contester et réclamer une indemnité de préavis.

En bref, l’employeur pourra attendre jusqu’à la décision définitive en matière pénale – qui dans le cas de C. semble quasi certaine sauf à invoquer l’irresponsabilité – sans devoir payer de salaire, avant de rompre le contrat ou constater sa rupture sans indemnité.

A moins que les parties ne s’accordent sur une rupture de commun accord avec ou sans indemnités, l’employeur pouvant parfois souhaiter faire preuve d’humanité à l’égard d’un travailleur bénéficiant de circonstances atténuantes. Par exemple, si une travailleuse objet de violence domestique finissait par assassiner ou faire assassiner son tourmenteur.

Christophe Delmarcelle dans l'Echo 30-11-2022

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