Interview de Me Delmarcelle sur la RTBF - Le projet de Loi sur les casseurs et l'atteinte au droit de grève

Posté le 18 mai 2023
Précédent Suivant
Me Delmarcelle était interviewé sur la RTBF ce 16 mai 2023 dans le cadre de l'Emission QR Actu concernant le projet de loi sur les casseurs et une possible atteinte au droit de grève. Le droit de manifester est-il en...

Me Delmarcelle était interviewé sur la RTBF ce 16 mai 2023 dans le cadre de l'Emission QR Actu concernant le projet de loi sur les casseurs et une possible atteinte au droit de grève.

Le droit de manifester est-il en danger en Belgique ?

16 mai 2023 à 09:42 Par Bertrand Henne

Le droit de manifester est-il en danger en Belgique ? La FGTB le pense et tire la sonnette d’alarme. En cause un texte du ministre de la Justice qui prévoit que des personnes condamnées pour certains actes commis dans les manifestations publiques pourront se voir interdire de manifester.

Plus ferme

Ce texte est examiné en commission justice de la Chambre aujourd’hui, il fait partie d’un ensemble de mesures reprises sous l’intitulé projet de loi visant à rendre la justice plus humaine, plus rapide et plus ferme. Dans l’aspect plus ferme, plus répressif donc, on retrouve la possibilité pour un juge de prononcer une peine complémentaire d’interdiction temporaire de manifester de trois ans envers des personnes condamnées pour des actes de violence ou de dégradation lors de manifestations ou d’événements publics.

L’exposé des motifs du projet de loi vise clairement ce qu’on appelle les casseurs et fait référence aux violences survenues lors de manifestations pendant les confinements Covid. Dans le texte : Bien que la plupart des protestations et manifestations se déroulent bien, nous observons également que de plus en plus de personnes, le plus souvent masquées, s’y associent dans le seul but de commettre des actes violents à l’égard de la police et de commettre des dégradations. À travers cette violence, la liberté d’expression de l’ensemble des citoyens est menacée, comme celle de manifester.

Le texte se base sur l’exemple français où, là aussi, depuis 2019, la loi en matière de maintien de l’ordre est plus répressive et où l’interdiction de manifester peut être décidée pour des faits de violence.

Casseurs

Le texte vise donc "les casseurs". Pourquoi la FGTB s’en inquiète ? Parce qu’elle craint que certains juges aient une définition très large de ce qu’est un casseur. Thierry Bodson le président de la FGTB craint qu’un piquet de grève ou l’on brûle une palette, un rond-point qui est entravé lors d’une manifestation, soient considérés par certains juges comme relevant de cette loi et puisse donc conduire à l’interdiction de manifester.

Il est vrai que la liste est assez longue : La restriction du droit de participer à des rassemblements revendicatifs ne sera possible qu’en raison d’infractions violentes ou d’actes de vandalisme commis dans le contexte d’un (précédent) rassemblement revendicatif. En résumé, le projet de loi vise les infractions suivantes : Association de malfaiteurs (322) ; Menace d’attentat contre les personnes ou contre les propriétés, punissable d’une peine criminelle (327) ; Homicide (393) ; Coups et blessures volontaires (398 à 401) ; Incendie volontaire (510 à 518) ; Certaines formes de vandalisme (520 à 525bis) ; Destruction ou détérioration de denrées, marchandises ou autres propriétés mobilières (528 à 534) ; Dégradation des propriétés immobilières (534ter et 534quater) ; Infractions à la loi sur les armes (article 23 loi sur les armes).

Thierry Bodson n’y va pas par quatre chemins dans le Soir, il considère que ce projet est pire qu’une attaque contre l’indexation automatique des salaires.

Interventionnisme

Ce texte s’inscrit dans une tendance de fond. La justice intervient de plus en plus dans les conflits sociaux, et le plus souvent en faveur des patrons. C’est indubitable. Les interventions de la justice dans les conflits sociaux étaient très rares dans les années 80, 90 et même 2000. Souvenez-vous du conflit très dur des forges de Clabecq où les militants de la FGTB avaient bloqué l’autoroute avec des engins de chantier, la justice les avait acquittés.

Mais ce temps est révolu. Il y a eu la condamnation très symbolique après le blocage du pont de Cheratte, il y en a eu d’autres pour entrave méchante à la circulation à Anvers. Et puis, le conflit chez Delhaize démontre que la justice n’hésite plus à sanctionner les piquets de grève au nom du droit économique des entreprises, ou du droit au travail. Les huissiers, parfois aidés par la police, interviennent de plus en plus souvent. Avec succès pour Delhaize, la direction a largement réussi à diminuer les conséquences de la contestation sociale. Les interventions de la justice ont changé le rapport de force entre patrons et syndicats.

C’est dans ce contexte d’affaiblissement syndical dans le conflit social et d’interprétation restrictive du droit de grève par les juges que ce tour de vis répressif intervient à la Chambre. D’où la colère de la FGTB qui en appelle donc aux partis de gauche du gouvernement, socialistes et écologistes, pour amender ou bloquer ce texte

Publications liées