Un enregistrement d’une conférence vidéo sur Teams peut-il être produit en justice ? (Trends - 14-09-2023)
Posté le 24 octobre 2023Dans le cadre d’un litige avec son employeur un travailleur produit en justice un enregistrement d’une réunion réalisée sur Teams avec son directeur des ressources notamment à l’ « insu » des autres participants. Le juge peut-il en tenir compte ?
Evidemment, l’employeur s’oppose à la production de cet enregistrement qui lui est très défavorable en arguant notamment de la violation du secret des télécommunications, de la vie privée et au surplus qu’il ne peut être garanti que l’enregistrement n’aurait pas été altéré.
Le tribunal du travail du Brabant Wallon, juge en 2023 l’enregistrement recevable au terme d’une analyse détaillées des conditions d’utilisation de Teams et des modalités d’organisation de la réunion.
Le tribunal constate d’abord que la possibilité d’enregistrer la conversation est expressément mentionnée dans la description du programme par son développeur Microsoft qui, par ailleurs, indique précisément les modalités d’enregistrement et notamment le fait que tous les participants sont automatiquement informés du début d’un enregistrement.
Il s’ensuit que l’employeur ne peut pas prétendre ne pas avoir été averti ou avoir été surpris par cet enregistrement.
Poursuivant son analyse, le tribunal constate aussi que qu’un participant ne peut utiliser l’option d’enregistrement que si certaines conditions sont remplies et notamment qu’il soit un administrateur de la réunion, que la faculté soit permise par l’administrateur IT de l’entreprise et ne pas provenir d’une autre entreprise.
Et le tribunal valide que ces conditions étaient bien remplies par le travailleur qui était l’un des administrateurs de la réunion, sans limitations, et qui faisait encore partie de l’entreprise.
Enfin le tribunal observe que dans Teams, des « fenêtres contextuelles » informaient tous les participants de l’enregistrement de la réunion.
Le tribunal considère que l’enregistrement ne viole pas la vie privée du directeur des ressources humaines (et des autres participants) car ce dernier n’a pas pu raisonnablement croire au caractère privé de la conversation étant que comme indiqué il savait ou devait savoir qu’un enregistrement était possible et en cours, que la conversation avait un objet purement professionnel et avait été organisée par l’employeur, pendant les heures de bureau.
L’utilisation de cette faculté d’enregistrement par le travailleur en vue de défendre ses droits n’est pas déloyale.
Le tribunal rappelle encore que par son arrêt du 14 octobre 2021, la Cour de Cassation a confirmé que sa jurisprudence dite « Antigone » qui autorise - sous certaines conditions - un juge à accepter une preuve obtenue en violation de la vie privée s’appliquait en matière civile (objet de débats pendant des années) et que donc, même si l’enregistrement avait été entaché de nullité il aurait encore pu être jugé recevable.
Un employeur averti en vaut deux…