Un employeur peut-il juridiquement "phaser" les licenciements prévus pour éviter la procédure d’information et de consultation en cas de licenciement collectif, connue sous le nom de "loi Renault" ?

Posté le 18 mai 2021
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En février 2021, des travailleurs de Fabricom (Engie) dans les sites d’Ans et de Charleroi ont manifesté, soupçonnant leur employeur de procéder à des licenciements en petites "quantités" afin d’échapper à la longue (en moyenne 3 à 4 mois) et coûteuse (+30% ou plus) procédure Renault.

En effet, six travailleurs avaient été licenciés sans aucune consultation préalable, tandis que d’autres licenciements avaient déjà eu lieu à l’automne.

Une convention collective nationale (CCT) n° 24 définit le licenciement collectif comme "tout licenciement pour une ou plusieurs raisons non liées à la personne du travailleur, affectant un certain nombre de travailleurs sur une période de soixante jours." Cela signifie :

  • Pour les entreprises de 20 à 100 travailleurs, au moins 10 travailleurs,
  • Pour les entreprises de 100 à 300 travailleurs, 10% des travailleurs, et
  • Pour les entreprises de plus de 300 travailleurs, plus de 30 travailleurs.

Cette définition implique que si l’employeur prévoit de licencier plus de 10, 10%, ou 30 travailleurs, mais sur une période dépassant 60 jours, il ne s’agit pas d’un licenciement collectif au sens de la CCT 24, et la loi Renault ne s’applique pas. Par exemple, si l’employeur annonce vouloir licencier cinq employés en avril, six en juillet, et sept en octobre 2021 (soit plus de 10 au total), cela n’y change rien. Une source de frustration évidente pour les travailleurs et les syndicats. Toutefois, la loi Renault s’applique uniquement en cas de décision de licenciement collectif, et non simplement d’un plan.

Pour Fabricom, six employés ont été licenciés en février 2021, ce qui est en deçà du seuil. Les employés licenciés en octobre 2020 ont été exclus du calcul, leur licenciement ayant eu lieu plus de 60 jours auparavant. Fabricom n’avait donc pas l’obligation de se conformer à la loi Renault.

Même si la procédure Renault ne s’applique pas, une indemnité de licenciement collectif peut être due, puisque le seuil fixé par la CCT n° 10 est plus bas, avec un minimum de six licenciements sur une période de 60 jours. Cependant, cette indemnité ne s’applique qu’aux employés ayant un préavis inférieur à sept mois, et le montant reste relativement faible.

Plus important encore, au-delà des dispositions légales "fédérales" sur le licenciement collectif, certains commissions paritaires disposent de CCT qui prévoient des procédures spécifiques en cas de "licenciements multiples," notamment sur l’information ou l’épuisement préalable de toutes les options pour réduire les licenciements. Une attention particulière doit être accordée lors de la rédaction de telles CCT, car elles couvrent parfois non seulement les licenciements mais aussi de larges "intentions" de licencier plus d’un certain nombre de travailleurs. Dans ces cas, "phaser" les licenciements pourrait être inefficace. De plus, ces CCT prévoient souvent des sanctions financières importantes.

Enfin, bien que les licenciements échelonnés soient légaux, ils créent une grande incertitude pour les travailleurs, avec toutes les conséquences que cela implique pour la productivité et les relations sociales. Une procédure Renault "bien menée" peut toutefois être finalisée relativement rapidement, permettant à ceux qui doivent partir de le faire dans les "meilleures" conditions, tout en rassemblant ceux qui restent autour d’un nouveau projet pour l’entreprise.

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