Remplacement d’un employé par l’IA, déraisonnable ? (Trends - 14-09-2023)
Posté le 25 octobre 2023Un employeur peut-il motiver le licenciement d’un travailleur par son remplacement par une IA ou un robot ?
Depuis 2014, la législation belge prévoit une obligation de motivation du licenciement d’un travailleur en contrat à durée indéterminée de plus de 6 mois. En effet, la convention collective (CCT) 109 impose à l’employeur de motiver le licenciement en raison soit de l’aptitude ou du comportement du travailleur soit des nécessités du fonctionnement de l’entreprise.
Vu les derniers développements en la matière - en 2018, 47% des entreprises utilisaient déjà une IA et dans certains pays comme la Corée on compte près de un robot pour 10 travailleurs -, un employeur peut-il valablement justifier le licenciement d’un travailleur par son remplacement par une IA ou même un robot ?
Dans l’état actuel des choses, force est de reconnaître que la mise en place d’une IA ou de robots ressort sans aucun doute d’une restructuration de l’entreprise dont on pourra défendre qu’elle répond aux nécessités de son fonctionnement en vue par exemple d’accélérer le traitement de commandes, d’optimiser des déplacements, d’augmenter la rentabilité, etc.
L’employeur pourrait donc valablement motiver le licenciement par le remplacement du travailleur par une IA ou un robot dans le cadre d’une réorganisation de l’entreprise et de la mise en place d’une nouvelle technologie ce que la jurisprudence a déjà confirmé en matière de licenciement abusif.
Est-ce à dire qu’aucun garde-fou n’existe ?
Non car l’employeur doit non seulement justifier d’un motif lié aux nécessités du fonctionnement de l’entreprise et que ce motif soit réel mais en outre faut-il qu’en licenciant le travailleur il adopte le comportement d’un employeur normal et raisonnable. L’exercice du droit de licencier peut donc être contrôlé même en présence d’un motif valable à la lumière de ce que serait l’exercice de ce droit par un employeur normal et raisonnable. Ce qui ressort de l’appréciation marginale du tribunal.
Ainsi, licencier un travailleur pour ce motif à quelques mois de la pension pourrait-être considéré comme manifestement déraisonnable, l’employeur pouvant attendre simplement son départ à la retraite.
En cas de licenciement reconnu comme « manifestement déraisonnable » l’employé pourrait obtenir de 3 à 17 semaines de rémunération en plus de son indemnité de préavis.
Mais force est de reconnaître que ce contrôle reste limité hors des cas très spécifiques.
Compte tenu du coût pour la société de la perte de nombreux emplois – jusqu’à 30% - pas forcément remplacés par les nouveaux emplois crées en lien avec les IA (responsable éthique, cognicien, data miner, analyste, etc.) – d’aucun pourrait s’interroger sur l’opportunité d’un durcissement de la motivation du licenciement à cet égard.
Ceci étant dit, la mise en œuvre de l’IA ou de robots, requiert d’informer et de consulter au préalable le conseil d’entreprise ou à la délégation syndicale. Sans oublier qu’un avis du comité pour la prévention et la protection au travail est normalement requis vu les impacts potentiels pour le bien-être au travail et ce en marge d’une mise à jour du plan global de prévention des risques et du plan d’action annuel. A mon sens, le développement d’un plan d’urgence interne doit aussi être envisagé pour répondre à tout mauvais fonctionnement.
Le non-respect de ces obligations pourrait permettre au travailleur de réclamer des dommages et intérêts pour licenciement abusif en marge de la CCT 109.