La situation empire entre direction et travailleurs d'Audi Brussels. Blocage, confiscation de clés, lockout, est-ce légal ?

Posté le 9 septembre 2024
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La semaine dernière, les travailleurs d'Audi Brussels ont cessé le travail après l'annonce de la possible fermeture du site, en raison de l'absence de successeur pour le Q8 Etron. Ils ont occupé l'usine et bloqué les opérations, notamment en confisquant les clés de 200 véhicules. Cet événement illustre les tensions croissantes dans l'industrie automobile européenne, affectée par les politiques écologiques et industrielles de l'Union européenne.

La semaine dernière, les travailleurs d'Audi Brussels devaient reprendre le travail progressivement après la pause estivale.

Las, à la suite de l'annonce de l'absence de successeur au Q8 Etron actuellement fabriqué donc potentiellement à la fermeture à terme du site, les travailleurs ont arrêté le travail.

Si classiquement des piquets ont été installés dans la rue sur le Boulevard de la seconde armée britannique, les travailleurs n'en sont pas restés là.

Après être rentrés dans l'usine, nombre d'entre eux ont ensuite refusé de travailler tout en restant dans les locaux, occupant donc ceux-ci de facto malgré les demandes de la direction de reprendre le travail et bloquant l'outil et ceux-qui auraient souhaité travailler.

Ensuite, les clés de près de 200 véhicules ont été confisquées et cachées, empêchant la livraison de ceux-ci aux concessionnaires.

Sans définition légale, on considère généralement la grève comme "l'abstention collective et concertée, par un groupe de salariés, de l'exécution du travail dans le but immédiat d'enrayer la marche d'une ou de plusieurs entreprises en vue de faire pression soit sur des employeurs, soit sur un tiers."

Si la grève est reconnue en droit international (cf. l'article 6.4 de la Charte sociale européenne), elle n'est reconnue en Belgique qu'indirectement sur base de la loi de 1948 sur les prestations d'intérêt public. Mais la Belgique a ratifié des textes internationaux comme la Charte sociale européenne.

Stricto sensu, la grève est le droit de ne pas travailler. Mais les syndicats ont une conception bien plus large, quitte à prendre quelques libertés avec le droit : ils estiment qu'une grève implique l'arrêt du fonctionnement normal de l'entreprise, ce qui passe notamment par les piquets ou les occupations d'entreprises donc le blocage, de l'outil, des livraisons, des stocks voire parfois la prise de la direction en otage. Il s'agit de faire perdre de l'argent à l'employeur et de le contraindre à la négociation. Sans cela, une grève perd, il est vrai, de son sens. Les employeurs eux cherchent légitimement à limiter au maximum la portée des actions syndicales.

Bien qu'encore très divisée, la jurisprudence récente, influencée par les normes internationales, tend à accepter les piquets comme étant inhérents au droit de grève. À condition toutefois qu'ils ne s'accompagnent pas de violences, de déprédations aux biens, de comportements délictueux ou d'atteintes exagérées au droit de propriété de l'employeur ou aux droits des tiers et des non-grévistes c'est-à-dire de voies de fait.

Appelé parfois "grève patronale", le lock-out est né en 1850 en Grande-Bretagne et consiste en "une fermeture temporaire d'une entreprise, non pas pour des motifs économiques ou propres à l'entreprise mais une action visant à renforcer des revendications ou positions patronales dans un conflit collectif" (selon la définition donnée par le SPF Emploi).

Réponse, du berger à la bergère, le lock-out protège l'employeur de la plupart des dérives telles que les occupations, les déprédations ou confiscation du stock ou de l'outil ou la prise d'otage. Il ramène en quelque sorte le droit de grève à son fondement de base c'est-à-dire ne pas travailler. Il fait évidemment pression sur les travailleurs d'autant qu'en l'absence de travail et sous réserve d'une reconnaissance, ils ne sont pas payés.

Bien entendu les non-grévistes pourront attaquer l'employeur qui refuse de leur donner du travail, mais à condition de le faire constater, comme cela a été fait ce lundi matin par huissier.

Clairement, Audi Brussels illustre parfaitement l'escalade d'un conflit collectif, mais plus fondamentalement il témoigne d'une industrie automobile européenne gravement frappée par la politique écologique et industrielle de l'Union.

Rarement on aura vu un pays, un continent, détruire aussi systématiquement et démagogiquement l'une de ses meilleures industries.

Et à entendre les bruits en Allemagne, Audi Brussels ne sera sans doute pas la seule usine automobile à fermer dans un avenir proche.

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