Delhaize, dénoncer une convention collective d’entreprise, est-ce légal ? Quelles conséquences ? (Trends 23-2-2023)
Posté le 27 février 2023Delhaize, dénoncer une convention collective d’entreprise, est-ce légal ? Quelles conséquences ?
Ce jeudi 16 février 2022, Delhaize annonçait dénoncer la convention collective de travail d’entreprise actuellement en vigueur réglant l’organisation des magasins et notamment les fonctions, les tâches et les horaires du personnel ainsi que des magasins. Selon le porte-parole de Delhaize cette annulation était nécessaire pour conclure un nouvel accord.
L’occasion d’un retour sur les conventions collectives de travail en droit belge et leurs modalités de rupture en soulignant déjà le caractère assez rare voire rarissime d’une telle dénonciation.
Une convention collective de travail peut être conclue au niveau de l’entreprise entre l’employeur et une ou plusieurs organisations représentatives de travailleurs càd la CSC, la CGSLB ou la FGTB (une seule suffit), au niveau sectoriel càd d’une commission paritaire ou au niveau national au sein du Conseil National du Travail.
Il s’agit d’un instrument ambivalent car s’il s’agit à la base d’une forme de contrat entre employeurs et employés (représentés par les syndicats), cet accord se voit attribué par la loi un statut particulier en ce qu’il comporte des dispositions dites « normatives » càd des dispositions prévoyant une règle destinée à s’appliquer à un ensemble de personne y compris à des travailleurs non-affiliés à l’organisation signataire.
La CCT doit respecter la hiérarchie des normes de droit social (la CCT d’entreprise ne pouvant être contraire à des CCT’s sectorielles, nationales ou encore à la loi et l’emportant sur le contrat de travail individuel), doit contenir certaines mentions obligatoires et être enregistrée auprès du greffe des relations collectives de travail du FOD emploi.
Si la CCT est conclue pour une durée déterminée avec faculté de résiliation – ce qui n’est pas une obligation - ou pour une durée indéterminée elle doit prévoir le délai et les modalités de dénonciation applicables (par exemple par courrier recommandé prenant effet dans les trois jours de l’envoi).
Si un employeur souhaite modifier une CCT d’entreprise, notamment pour tenir compte de l’évolution des contraintes socio-économiques, modifier son organisation ou même pour réduire ses coûts, il entamera en général une discussion avec les représentants des travailleurs afin de convenir une nouvelle CCT remplaçant l’ancienne ou d’acter des modifications dans une CCT modificatrice.
Cependant, si comme probablement dans le cas de Delhaize, les modifications souhaitées sont à ce point substantielles qu’obtenir un accord des représentants des travailleurs s’avère impossible ou trop couteux en termes de compensation, l’employeur aura parfois intérêt à dénoncer la CCT en cours. Au terme du préavis convenu celle-ci disparaîtra – en notant toutefois que les droits individuels résultant de la CCT sont incorporés dans les contrats de travail à moins que les parties n’aient dérogé à cet effet de la loi – laissant ainsi le champ à des négociations totalement ouvertes.
Autant le dire, ce scénario est assez rare et considéré tant par les représentants des travailleurs que même par le FOD comme le témoin d’une mauvaise concertation ou de tensions très importantes. On peut quasiment parler de bombe atomique mettant à plat toute la discussion sur les conditions de travail couvertes par la CCT dénoncée.
Cependant, et l’on voit bien là la nature contractuelle d’une CCT, comme tout contrat il arrive parfois que dénoncer l’ancien est le seul moyen de renégocier librement pour l’avenir. La stratégie quoique violente est parfaitement légale.
Christophe Delmarcelle in Trends 23-2-2023