Contrôle du télétravail: votre employeur peut-il utiliser des logiciels de surveillance?
Posté le 8 juillet 2024Christophe Delmarcelle, associé fondateur du cabinet DEL-Law, confirme cette tendance :
"Si on observe la situation mondiale, il est clair que l'utilisation de ce type de logiciels chez les employeurs a explosé au cours des 12 à 36 derniers mois. Cela semble assez logique dans un monde post-Covid, au sein duquel le travail à distance s'est considérablement accru." La question du contrôle des prestations des employés a donc également évolué.
Attention au respect de la vie privée
Si ces logiciels sont légion, leur utilisation est-elle bien légale ? En Belgique, il n'y a pas de législation spécifique qui règle la question de l'utilisation de tels programmes. Autrement dit, il n'existe pas d'interdiction à cet égard, d'autant qu'un employeur est en droit de surveiller le travail de ses salariés.
"La loi sur les contrats de travail prévoit que l'employeur a l'autorité sur le travailleur, ce qui implique en effet un pouvoir de surveillance."
Ce principe ne pose a priori pas de problème particulier lorsque le travail est effectué dans les locaux de l'entreprise.
"En revanche, ce qui est plus délicat avec le travail à distance, c'est qu'il y a des aspects de vie privée qui vont jouer de manière plus criante que sur le lieu de travail."
Une directive européenne relative à la protection de la vie privée a ainsi fait l'objet d'une implémentation en Belgique.
"Cela signifie que tous les programmes de contrôle sont autorisés, mais que certaines utilisations peuvent poser problème car elles entraînent une violation de la vie privée."
L'avocat cite notamment le cas des keyloggers, soit des logiciels qui permettent de contrôler ce que l'employé tape sur son clavier d'ordinateur. "Certains logiciels ont également la capacité d'allumer votre caméra à distance et de prendre une photo de vous devant votre écran."
Des sanctions à la clé
Mais au fond, que se passe-t-il lorsque l'employeur dépasse les limites de la vie privée ? Si aucune loi spécifique n'encadre ces logiciels, les violations de la vie privée sont bien assorties de sanctions.
"Si vous violez la vie privée de vos salariés, vous risquez d'être sanctionné via des amendes", avance Christophe Delmarcelle. Ensuite, la preuve que vous auriez obtenue pendant ce contrôle ne serait pas valable, et ne pourrait pas être déposée au tribunal pour faire valider un licenciement pour motif grave, par exemple. "Enfin, le dernier risque, c'est que le travailleur demande des dommages et intérêts pour violation de la vie privée. On ne peut donc pas dire qu'il n'y a pas de risques pour l'employeur."
Plutôt que d'opter pour ces méthodes un brin extrêmes, beaucoup de patrons préfèrent le monitoring soft, qui consiste notamment en la pratique d'appels réguliers. L'employeur peut également exiger du travailleur qu'il soit joignable via Teams, entre autres. "La recommandation est plutôt de mettre en œuvre ce type de pratiques, puisqu'on est dans quelque chose de parfaitement acceptable, qui permet de vérifier si le salarié est bien à son poste de travail. À mon sens, c'est la méthode à privilégier."
Unfair workers also at risk
Si les employeurs peuvent être sanctionnés, qu'en est-il des salariés qui ne jouent pas le jeu ? Avec le télétravail, il est en effet plus facile de tromper l'employeur, et ce via différentes techniques, telles que l'utilisation de déplaceurs de souris par exemple. "On assiste en effet à une sorte de "course à l'armement", relève Christophe Delmarcelle. D'un côté, les employeurs disposent de logiciels de contrôle de plus en plus poussés, et de l'autre, les employés usent de différentes méthodes pour tenter d'éviter le contrôle. Il existe des procédés très empiriques, comme l'utilisation d'un ventilateur pour faire bouger la souris. Mais certains logiciels vont jusqu'à bloquer le contrôle de l'employeur."
Les manœuvres des salariés pour échapper à la vigilance de leur patron ne sont pas sans risque. Contourner le contrôle de l'employeur est en effet contraire aux obligations du travailleur, telles que stipulées dans le contrat de travail. "En termes de loyauté et de respect de l'employeur, on manque aux obligations."
Ensuite, si le travailleur court-circuite cette surveillance, c'est parce qu'il n'accomplit pas ses tâches. Il s'agit bien d'une faute, puisque l'employé a l'obligation d'accomplir le travail qui est convenu. "L'employé risque, avant tout, de se faire licencier pour motif grave si l'employeur apprend la supercherie." Ensuite, le salarié pourrait être contraint de régler des dommages et intérêts. "Imaginons que le logiciel utilisé par l'employé cause des dégâts au système informatique de l'employeur, via des virus ou autre. Ces agissements sont une vraie prise de risque dans le chef de l'employé."
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