Bloqué en Ukraine? Quelles conséquences pour l’employeur et l’employé? (Echo 8-3-2022)
Posté le 8 mars 2022En raison des graves événements qui se produisent actuellement en Ukraine, certains employés de sociétés belges présents sur place dans le cadre d’une mission ponctuelle ou de plus longue durée ont pu être bloqués.
Quelles sont les obligations de l’employeur et de l’employé dans une telle situation et quelles conséquences en découlent pour l’emploi.
Tout d’abord l’employeur est soumis à diverses obligations en matière de bien-être au travail et de prévention des risques tant physiques que psychiques notamment au terme du Code du bien-être au travail. Dans ce contexte, a priori l’employeur aura rappelé son travailleur dès le début des événements et lui aura non-seulement conseillé mais même ordonné de quitter le pays le plus rapidement possible et en tout cas de se mettre en sécurité dans une région moins exposée.
Il prendra aussi les mesures nécessaires afin d’aider son travailleur non-seulement en lui fournissant une assistance et un conseil sur les démarches à effectuer, comment faire mais aussi, si besoin, en lui faisant parvenir dans la mesure du possible, argent, matériels, voire même nourriture.
Il s’agit non seulement de prévenir le risque mais, s’il se réalise, d’en limiter les conséquences au maximum.
L’employé de son côté doit - dans la mesure du possible - informer l’employeur de sa situation et le cas échéant de l’impossibilité de reprendre le travail et de le tenir au courant de l’évolution de la situation. Il sera d’ailleurs utile de garder une preuve de cet avertissement (e-mail, fax). Si le travailleur n’a pas (ou est dans l’impossibilité) de prévenir l’employeur, celui-ci peut-il invoquer la rupture du contrat pour abandon d’emploi ? Il pourra essayer mais les juges seront, certainement dans le contexte des événements ukrainiens, peu enclins à accepter de considérer que le travailleur, en ne prévenant pas immédiatement son employeur, aura rompu le contrat. Certainement si c’est la première fois que le travailleur s’absente sans en avertir l’employeur et / ou que l’absence n’est pas trop longue.
On examinera aussi les obligations contractuelles de chacun selon les termes de l’avenant de mission ou de détachement notamment sur les conditions du retour de l’employé et les frais pris en charge par l’employeur y compris dans un cas d’urgence comme en l’espèce.
Au niveau des conséquences, les circonstances en Ukraine sont a priori - selon l’endroit où se trouve l’employé - de nature à constituer un cas de force majeure càd un événement imprévisible et indépendant tant de la volonté de l’employeur que du travailleur rendant impossible, temporairement ou définitivement, en partie ou totalement, l’exécution du contrat. En cas de force majeure de courte durée, le contrat de travail est suspendu càd que le travailleur n’a plus l’obligation de travailler et que l’employeur n’a plus l’obligation de payer son salaire. En cas de force majeure de longue durée le contrat prend fin. Tous ne seront cependant pas égaux devant cette force majeure, en effet, l’impossibilité de fournir le travail va dépendre du contexte, de l’activité et de la fonction et s’apprécier au cas par cas. Une intervention du chômage temporaire force majeure sans stage pourra être demandée par l’employeur pour les travailleurs sous sécurité sociale belge.
Cependant, si la force majeure n’était pas établie, par exemple car l’employé se trouve dans une zone que les combats n’ont pas touché directement et dispose toujours des facilités nécessaires, l’employé doit en principe continuer de travailler mais il pourra le cas échéant demander à bénéficier d’un congé pour raisons impérieuses de 10 jours mais sans salaire ce qui induira aussi la suspension du contrat et donc de son obligation de travailler. Quitte ensuite à convenir avec l’employeur d’une suspension du contrat.
En ce qui concerne les frais découlant du blocage (frais de séjour, frais de voyages par d’autres moyens), en cas de force majeure ils seront en principe à la charge du travailleur. Même pour les personnes bloquées à l’étranger alors qu’elles étaient en déplacement professionnel. Vu les événements on imagine cependant mal qu’une demande de prise en charge des frais de retour soit refusée..
L'Echo, 8-3-2022