Peut-on étaler des licenciements collectifs ?

Posté le 29 avril 2021
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Un employeur peut-il légalement « phaser » / étaler les licenciements prévus afin de ne pas devoir respecter la procédure d’information et de consultation en cas de licenciement collectif dite « Loi Renault » ? En février 2021, les employés de Fabricom (Engie) des sites...

Un employeur peut-il légalement « phaser » / étaler les licenciements prévus afin de ne pas devoir respecter la procédure d’information et de consultation en cas de licenciement collectif dite « Loi Renault » ?

En février 2021, les employés de Fabricom (Engie) des sites de Ans et Charleroi manifestaient car ils soupçonnaient leur employeur de procéder à des licenciements par petit « paquet » pour court-circuiter cette procédure longue (3 à 4 mois en moyenne) et couteuse (+ 30% ou plus).

En effet, 6 travailleurs avaient été licenciés sans aucune concertation préalable, alors qu’en automne d’autres licenciements avaient déjà eu lieu.

Une convention collective de travail (CCT) n°24 conclue au niveau national définit le licenciement collectif comme « tout licenciement pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne des travailleurs qui affecte au cours d'une période de soixante jours un nombre de travailleurs : » un nombre déterminé de travailleur. Soit, dans les entreprises de 20 à 100 travailleurs, 10 d’entre eux, dans les entreprises de 100 à 300 travailleurs, 10% d’entre eux et dans les entreprises de plus de 300 travailleurs plus de 30.

Cette définition signifie que si l’employeur envisage de licencier plus de 10, 10% ou 300 travailleurs mais étalés sur une période de temps de plus de 60 jours, il ne s’agit pas d’un licenciement collectif au sens de la CCT 24 et la loi Renault ne doit pas être appliquée. Le fait que l’employeur communique ouvertement qu’il envisage de licencier par exemple 5 travailleurs en avril, 6 en juillet et 7 en octobre 2021, soit plus de 10, n’y change rien. Au grand dam des travailleurs et des syndicats. Mais, il ne devrait pas y avoir de décision de licencier mais un projet.

Pour Fabricom, 6 travailleurs ont été licenciés en février 2021 ce qui est inférieur au minimum et ceux licenciés en octobre 2020 ne sont pas considérés ; leur licenciement ayant eu lieu plus de 60 jours avant. Fabricom ne devait pas respecter la loi Renault.

Ceci étant, même si la procédure Renault ne s’applique pas, une indemnité de licenciement collectif peut être due car le seuil fixé par la CCT n°10 pour cette indemnité est plus bas avec un minimum de 6 travailleurs licenciés sur une période de 60 jours. Mais cette indemnité n’est due que pour les travailleurs avec moins de 7 mois de préavis et son montant est assez faible.

Plus important, en marge des dispositions légales « fédérales » en matière de licenciement collectif, il existe sous certaines commissions paritaires des CCT’s prévoyant des procédures particulières en cas de « licenciements multiples » notamment sur l’informations ou l’épuisement préalable de toutes les pistes pour réduire les licenciements. Il faut être attentif à la rédaction d’une telle CCT car elle couvre parfois tant les licenciements que largement une « intention » de licencier plus de x travailleurs. Un « étalement » des licenciements pourrait alors être sans effet. D’autant que ces CCT’s prévoient parfois des sanctions financières lourdes.

Enfin, même si l’étalement des licenciements est légal, il crée une grande insécurité pour les travailleurs avec toutes les conséquences sur la productivité et les relations sociales. Or, une procédure Renault « bien menée » peut être bouclée assez rapidement et permettre de licencier ceux qui doivent l’être dans les « meilleures » conditions tout en fédérant ceux qui restent autour d’un nouveau projet pour l’entreprise…

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