Des grévistes peuvent-ils bloquer des entrepôts? (Trends 30-9-2021)

Posté le 11 décembre 2021
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Suite à l’annonce de la fermeture de Logistics Nivelles, en plus des piquets installés sur le site de Nivelles, des barrages filtrants sont installées en Flandre pour bloquer les approvisionnements vers Carrefour en provenance des entrepôts du groupe Kuhne-Nagel, est-ce...

Suite à l’annonce de la fermeture de Logistics Nivelles, en plus des piquets installés sur le site de Nivelles, des barrages filtrants sont installées en Flandre pour bloquer les approvisionnements vers Carrefour en provenance des entrepôts du groupe Kuhne-Nagel, est-ce encore l’exercice (normal) du droit de grève ?

Si la grève est reconnue dans les normes internationales et en particulier l’article 6.4 de la Charte social européenne, elle n’a en Belgique pas de reconnaissance légale directe. On peut toutefois déduire ce droit indirectement de la loi de 1948 sur les prestations d’intérêt public.

On définit généralement la grève comme « l’abstention collective et concertée, par un groupe de salariés, de l’exécution du travail dans le but immédiat d’enrayer la marche d’une ou de plusieurs entreprises en vue de faire pression soit sur des employeurs, soit sur un tiers. ».

La question de savoir si des piquets bloquant l’accès au site voire même l’occupation du site font partie intrinsèque du droit de grève est très discutée.

La jurisprudence est - sur l'influence de la Charte Européenne des droits sociaux – accepte de plus en plus les piquets de grèves comme une extension / un accessoire du droit de grève lui donnant effectivité comme action d’encouragement des grévistes ou de dissuasion des non-grévistes.

Toutefois, suivant la théorie de l’acte détachable, ces actes peuvent faire l’objet d’une interdiction par un juge - en référé - lorsqu’il en résulte une atteinte au droit de propriété – lorsque le piquet induit de facto la prise de contrôle de l’entreprise ou interdit le libre accès à l’entreprise ou aux marchandises – au droit des tiers tels le droit au travail des travailleurs non-grévistes qui se verraient interdire l’accès, le droit à l’entreprise des co-contractants qui ne pourraient exécuter des contrats commerciaux ou le droit à la libre circulation des personnes en cas de blocage de la voie publique.

Ce sera a priori le cas ici.

Un tel référé peut être introduit :

(i) contradictoirement (la partie adverse est donc entendue); ou

(ii) sur requête unilatérale (la partie adverse n'est pas entendue et la procédure très rapide) à condition d'apporter la preuve d'une absolue nécessité (par exemple en cas d’impossibilité d'identifier les auteurs d'une voie de fait). Cette seconde voie est évidemment la plus efficace vu sa grande rapidité et l'effet de surprise.

L’ordonnance interdisant la voie de fait est signifiée par un huissier de justice (commandement) qui peut se faire aider de la force publique. Elle sera parfois assortie d’une astreinte par jour.

Rappelons aussi que la grève en soi peut être illégale / illicite si les conditions de forme ne sont pas respectées ou si elle est abusive et déraisonnable.

Outre que dans certains cas des participants pourraient être licenciés pour motif grave, des sanctions disciplinaires sont possibles ainsi que la perte ou le non-paiement des allocations.

L’employeur aura intérêt à réagir rapidement notamment pour éviter que le conflit escalade avec notamment des violences ou des dégâts – d’office inacceptables – tant judiciairement que par un dialogue ouvert et notamment la clarté sur les intentions et sur le volet plan social – qu’il aura idéalement chiffré au plus tôt.

Christophe Delmarcelle

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